mardi 9 mars 2010

Homélie 3 ieme dimanche du Carême Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même

“Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même”. On venait d’informer Jésus des événements qui avaient occupé les actualités de son époque: des soldats avaient massacré des gens sur l’esplanade du Temple et une tour en construction était tombée, entraînant la mort de 18 personnes. Au lieu de commenter les faits, Jésus lance cet avertissement: “Convertissez-vous!” Si on rapportait à Jésus les récents tremblements de terre qui ont causé des milliers de mort en Haïti et des centaines au Chili, en plus des inondations un peu partout sur la planète, qu’aurait-il répondu? La même chose sans doute! C’est une invitation à vous convertir... On peut être surpris de la dureté de ces propos. Comment les interpréter? On se serait attendu à des paroles de compassion, de sympathie, car Jésus à plusieurs autres occasions en avait montré envers les victimes des malheurs, les proches des défunts, les malades. Comment concilier la rudesse de ces paroles avec la douceur habituelle de son comportement?

Qu’est-ce que Jésus veut nous dire aujourd’hui sur nous-mêmes et sur le monde actuel? Qu’est-ce qu’il cherche à nous révéler sur l’avenir, à nous dévoiler aussi sur le mystère de Dieu? A ses contemporains comme à nous-mêmes Jésus fait une invitation à porter un regard lucide sur la réalité de notre monde. On ne vit pas dans le meilleur des mondes. La planète n’a pas fini de bouger, de s’ajuster dans ses profondeurs. Face à une certaine naïveté qui voudrait se persuader que l’humanité progresse lentement vers un avenir meilleur, Jésus nous rappelle la présence réelle du mal, de l’imperfection, de la finitude du monde matériel comme de notre humanité. Mais il ne s’arrête pas là: ce serait trop facile pour nous de dire: “les temps sont bien durs, c’est bien terrible” et d’oublier notre propre responsabilité.

A ceux et celles qui l’écoutent, Jésus rappelle que le premier combat à mener c’est celui de notre propre coeur. “Si vous ne vous convertissez pas...” Il ne s’agit pas évidemment de pleurer sur nous-mêmes, de nous lamenter, de nous stresser, de dire: “Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu?” Il faut au contraire prendre conscience de notre mission de baptisés. Jésus est venu sauver ce monde, il est venu annoncer l’amour invincible du Dieu vivant. Nous avons à nous en convaincre pour nous-mêmes et à le faire connaître autour de nous. Donc: confiance, Dieu tient parole!

Comme l’affirme s.Paul dans la seconde lecture: “Ces événements étaient destinés à nous servir d’exemple”, à nous sortir de cette sorte d’engourdissement, d’indifférence, qui est très répandue de nos jours, à secouer notre passivité. Si nous désirons que les choses changent, si nous désirons que l’Évangile transforme notre propre coeur, il faut d’abord nous convertir.

En quoi consiste cette conversion? Dans le langage biblique, se convertir signifie changer de direction, se retourner vers quelqu’un ou quelque chose. Vers quoi ou vers qui aller? Le Christ nous propose le chemin qui mène vers son Père et nous avertit qu’il n’y a pas de temps à perdre. Il faut quitter sans tarder nos servitudes, mettre plus d’engrais sur nos plantes stériles. Ça ne se réalisera pas en un jour, il faut y mettre du temps. Jésus, par la parabole du figuier, nous enseigne la patience de Dieu. Il ne mesure pas sa grâce sur une balance, il nous apporte son soutien à tous les jours. En bon vigneron il déploie inlassablement des efforts pour que nous donnions du fruit. Il le fait dans l’espoir que nous revenions à Lui. Il peut nous arriver des creux de vagues, comme le figuier qui n’avait pas produit pendant trois ans. Ce carême, c’est entre autres le moment de retrousser nos manches afin de recommencer à porter du fruit. En Église, nous traversons aussi des épisodes d’épreuves et de crise. Il nous revient de voir ce qui continue de pousser pour l’entretenir de notre mieux.

Les paroles de Jésus vont donc plus loin qu’une simple invitation à la conversion. Nous risquerions de tomber dans le désespoir à la vue de notre propre insuffisance, si nous ne voyions pas que Dieu lui-même vient à notre secours. S’il veut que nous changions le monde en commençant par changer notre coeur, c’est lui qui le prend en grande partie sur ses épaules. C’est lui qui prend patience, qui donne des chances, qui recommence à travailler le sol, là où on ne voyait plus d’espoir.C’est lui qui vient nourrir, de sa propre mort sur la Croix, la stérilité de nos vies.

Un musulman disait un jour à un chrétien: “Vous êtes chanceux, vous les chrétiens, si c’est vrai, que Dieu soit venu en personne vous rencontrer, vous parler et vous dire son nom, à savoir qu’il est un Père. C’est merveilleux que Dieu se présente ainsi et que son Fils vous parle d’un Dieu plein d’amour”. La tradition musulmane donne 99 attributs à Dieu. Le 100e pour nous c’est qu’il est Père, un Père qui aime sans condition. Moïse avait eu une première révélation dans le buisson ardent, mais bien mystérieuse. Mon nom est “je suis celui qui suis”.Pour l’instant “regardez-mois bien faire!”... c’est donc difficile de lui imposer une étiquette. Il était jusque là pratiquement inconnaissable. Il a fallu une longue évolution dans le peuple d’Israël et l’arrivée de Jésus pour que nous soit enfin dévoilé son vrai nom.

Alors que de terribles événements assombrissent les temps que nous vivons, Jésus veut nous rappeler que le chemin de la paix et d’un monde meilleur passe par notre propre conversion, une conversion personnelle et convaincue. Alors, comme Moïse, nous pourrons affronter les tempêtes, les dangers et nos propres peurs, appuyé sur Celui qui seul peut nous sauver, c’est Celui qui est, que nous connaissons maintenant comme un Père plein d’amour.

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