vendredi 22 octobre 2010

HOMÉLIE DU DIMANCHE 17 oct 2010

Le 17 octobre 2010, Canonisation du saint Frère André

Quand on contemple l’Oratoire Saint-Joseph, au sommet du Mont-Royal, et son dôme qui se découpe dans le ciel, on est impressionné par le caractère grandiose d’une telle réalisation. Et ensuite, quand on évoque en contraste le profil du personnage du frère André à qui revient la paternité de cet édifice, le plus grand sanctuaire au monde dédié à Saint-Joseph, on est forcé d’admettre qu’il existe des oeuvres de grande envergure qui relèvent d’une intelligence bien différente de la logique marchande des méga-promoteurs de ce monde. Pensons au projet du maire Labaume, au toit du stade olympique, aux subventions souvent requises de nos gouvernements. Rien de tel de la part du Frère André. Même, l’Évêché de Montréal était réticente à l’idée d’investir là-dedans.

Alfred Bessette, un Québécois pure laine, est né à Saint-Grégoire d’Iberville; il est devenu celui que nous nommons le Frère André en 1870. Il est canonisé aujourd’hui à Rome. Belle coïncidence, car ce 17 octobre c’est aussi la Journée mondiale du refus de la misère. Pour avoir plongé dans la foi, il a obtenu la médaille d’or: c’est la consécration de la réussite d’une vie.

De santé fragile et assez petit physiquement, mesurant à peine 5 pieds, orphelin de père à 9 ans et de mère à 12 ans, il se retrouve sur le marché du travail à 15 ans, sans trop de préparation au niveau scolaire. Il occupe des emplois assez humbles: garçon de ferme, journalier, manoeuvre, apprenti; le futur bâtisseur de cathédrale ne possède certainement pas l’allure d’un gagnant. Pendant une dizaine d’années il exerce une série de petits boulots dans sa région. Puis comme beaucoup de ses concitoyens il émigre aux USA où il travaille dans les “factries”, les filatures. Il incarne le profil socio-économique de beaucoup de canadiens-français de cette époque.

Il est de tempérament sociable, réaliste et faisant tous les efforts pour assurer sa subsistance; il vit quand même avec le sentiment qu’il n’était pas fait pour ce genre de travail. Dès l’enfance, on le retrouvait souvent en prière. Les gamins du village l’appelle le “fou de Saint-Joseph”. Il prend enfin la décision d’entrer dans la congrégation de Sainte-Croix. Le curé de sa paroisse qui va le recommander, écrivait à la communauté: “Je vous envoie un saint”. En voilà un qui voyait clair! Quasi illettré, il finit par être accepté. Il occupera toute sa vie la tâche de portier du collège. Il dira: “ils m’ont accueilli mais il m’ont mis à la porte et j’y suis resté toute ma vie!” C’est là qu’il reçoit les pauvres, les quêteux, les malades. Il prie pour eux, cherche à les relever à la manière de Jésus. Il les invite aussi à faire leur part, à y mettre du leur... d’où sa réputation d’être un peu exigeant, un peu grognon. Mais c’est là que commencent les miracles, à son corps défendant. “Ce n’est pas moi, c’est saint Joseph qui fait ça!” Il sera vite reconnu comme un thaumaturge, à qui des milliers de guérisons inexplicables seront attribuées. Il n’avait pas d’autres stratégies d’intervention que la prière et la dévotion à saint Joseph. Ça pouvait prendre la forme symbolique de médailles ou de petits flacons d’huile. Mais il est lucide sur l’efficacité de tout cela; ce sont d’humbles moyens qui deviennent des expressions de foi. “Il faut de la foi pour se frictionner avec de l’huile de saint Joseph”. De sa part, il prie très tard dans la nuit. A un confrère qui l’entendant prier durant la nuit, lui suggère plutôt de dormir à cette heure, il réplique: “Si vous saviez dans quel état sont les gens qui se recommandent à moi, vous ne me demanderiez pas ça!” Il avait la conviction absolue que le bon Dieu s’occupe des petits et des pauvres, qu’il n’abandonne personne, qu’on peut tout demander à saint Joseph et que celui-ci peut tout obtenir de Jésus... “on ne refuse rien à son père!” Il n’y a pas d’autres secrets d’entreprise que celui-là, pour rendre compte des miracles du frère André. Sans parler des constructions qui vont bientôt commencer à s’édifier.

Dans le Québec pauvre et misérable de son époque auquel il s’était profondément identifié, il a contribué à aider les siens à garder espoir. La preuve, c’est un million de personnes, le tiers de la population du Québec d’alors, qui vont gravir le Mont-Royal pour défiler devant sa dépouille à sa mort en janvier 1937. Les gens l’avaient déjà canonisé dans leurs coeurs.

Aujourd’hui encore sa canonisation par Rome peut nous redonner un peu d’espoir. Au moment où la mondialisation transforme la planète en un immense marché, où les riches deviennent plus riches et les pauvres sont plus vulnérables et plus pauvres, l’histoire de sa vie nous signale qu’il y a une autre logique que celle de l’argent et du profit, qu’un autre monde est possible, celui du partage et de la gratuité.

Pour lui pas de spéculations financières; son oeuvre s’édifie sur la foi, l’écoute des besoins des pauvres et la mobilisation des fidèles. L’Oratoire va s’élever lentement par étapes successives, de simple abri en chapelle, de chapelle en église, puis en une immense basilique. Tout cela à l’aide de sous récoltés progressivement, en partie chez les pauvres.

La canonisation du Frère André nous fait entrevoir qu’il existe encore aujourd’hui des bâtisseurs et des bâtisseuses qui refusent la misère, qui sont animés par la foi et l’espérance, aussi par la certitude de vaincre. Le fondateur du mouvement ATD Quart-Monde disait: S’unir pour faire respecter les droits des personnes est un devoir sacré”. Le 17 octobre 2010 sera vraiment une date lumineuse sur la terre comme au ciel. Vive le Frère André, vive toutes formes de lutte contre la pauvreté! Aussi bon succès à la marche des femmes contre la misère!

lundi 11 octobre 2010

HOMÉLIE DU DIMANCHE 10 oct 2010

DIRE MERCI

Chaque année, le 2e lundi d’octobre, c’est la fête civile de l’Action de grâce. Après les couleurs de l’automne, le temps des récoltes est à peu près terminé. La nature a été encore une fois très généreuse en variétés et en saveurs. Nous sommes invités à laisser monter vers Dieu un grand merci pour tous les fruits de la terre et tout ce que nous recevons de la vie. Dire merci n’est pas aussi naturel qu’on le pense. Nous avons appris tout jeunes à dire merci. C’est une affaire d’expérience et d’éducation. Pensons à cette question que les parents adressent si souvent à leurs enfants: “Qu’est-ce qu’on dit?”

Il y a des mercis polis sans plus, des mercis de convenance, des mercis empressés et sincères. Ils n’ont pas tous la même valeur. Il y a des mercis du bout des lèvres, d’autres qui nous tournent vers le prochain pour lui exprimer sincèrement notre appréciation. Dire merci est à la fois de la gratitude pour le don reçu et de la reconnaissance envers la personne qui donne. Voyons quelques exemples dans les lectures de ce dimanche.

La première lecture nous présente Naaman, un général syrien qui était lépreux. Un étranger et un païen en plus. Après avoir accompli, non sans quelques réticences, ce que lui demandait le prophète Élisée et constaté que la lèpre l’a quitté, il exprime sa reconnaissance envers celui qui est à l’origine de sa guérison. Pour lui, dire merci ce n’est pas seulement une politesse. Il remercie, mais il reconnaît que le don qu’il a reçu vient de Dieu. Sa reconnaissance est en même temps un acte de foi. “Je le sais désormais: il n’y a pas d’autre Dieu sur toute la terre que celui d’Israël” C’est pourquoi dorénavant, la terre d’Israël sera pour lui un lieu sacré.

Dans la lecture de l’Évangile, dix lépreux viennent à la rencontre de Jésus. Parmi eux, un Samaritain, un étranger. Encore là, Dieu n’écarte personne. Mais comme le prescrivait la loi juive, les dix malades se tiennent à distance, pas le droit de les approcher, car la lèpre les exclue de la communauté, faisant d’eux littéralement des hommes morts. Le Samaritain est doublement exclu car, en plus, il est vu comme un sectaire, un marginal face à la religion officielle. Cependant, alors que tous sont guéris, lui seul revient sur ses pas “en glorifiant Dieu à pleine voix”. L’évangéliste ajoute: “Il se jeta la face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce”. Il remercie parce que sa prière a été exaucée mais il réalise surtout que Dieu a été présent et qu’il a agi en sa faveur par le Christ Jésus. Non seulement il voit celui qui l’a guéri, mais il reconnaît en lui son Sauveur. Il a obtenu la guérison du corps, il a été purifié de tout ce qui faisait de lui un exclu, mais, plus important, il a été guéri au plus profond de son coeur. La guérison du lépreux est un signe de notre propre guérison dans le Christ. Quand il revient sur ses pas, il n’exprime pas seulement de la gratitude, mais il reconnaît au nom de tous les croyants, l’amour de Dieu manifesté dans le Christ. Son action de grâce, comme celle de Naaman, est un acte de foi. Si les neuf autres ont été guéris, ce qui fait le bonheur du Samaritain, c’est la joie d’avoir rencontré son Sauveur. Alors Jésus peut lui dire: “Relève-toi et va; ta foi t’a sauvé!”... Tu es un homme neuf!.

Nous sommes rassemblés encore une fois pour célébrer l’Eucharistie. Nous pouvons assurément remercier Dieu pour les fruits de la terre et tout ce que nous recevons de sa bonté. Pour nous cependant, le premier motif d’action de grâce c’est avant tout l’amour de Dieu manifesté dans le Christ. En effet, quand nous célébrons la messe, nous rendons grâce à Dieu qui agit dans le Christ et par son Esprit dans nos vies. L’Eucharistie c’est un sacrement, celui de notre salut accompli par Jésus sur la croix. C’est aussi un sacrifice de louange, d’action de grâce pour l’oeuvre de la création. Toute la création qui est comme résumée dans le pain et le vin (le pain c’est en condensé la semence, la récolte, la transformation de la farine et la boulangerie... le vin c’est la culture du raisin, la vendange, le travail du pressoir, la fermentation, etc...) En somme ce sont les bienfaits de la nature qui se joignent au travail humain qui sont présentés au Père à travers la mort et la résurrection du Christ. En Lui la création est comme transformée et amenée avec Lui dans sa Résurrection. Par lui, l’Église peut donc offrir un acte de louange et de remerciement pour tout ce que Dieu a fait de beau, de bon et de juste dans sa création et dans toute l’humanité. Tout ce qu’Il nous réserve lorsque paraîtront les cieux nouveaux et la terre nouvelle, nous est annoncé.

Comme l’apôtre Paul, nous nous souvenons de “Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts.
Il est notre salut, notre gloire éternelle”. C’est pourquoi, malgré les épreuves et les difficultés de la vie, nous comptons sur son amour. Comme nous le chantons si bien: “Si nous sommes morts avec Lui, avec Lui nous vivrons. Si nous supportons l’épreuve, avec Lui nous règnerons!” Il est notre assurance! Et tout est gratuit. Donc mille mercis.

vendredi 1 octobre 2010

HOMÉLIE DU DIMANCHE 26 sept 2010

RÉFLÉCHIR ET METTRE LES PENDULES Á L’HEURE

Les milieux politiques et sociaux prennent de plus en plus conscience de la cassure entre les riches et les pauvres, à l’échelle de la planète, mais aussi dans nos propres milieux. La parabole de ce dimanche veut nous y faire réfléchir et mettre les pendules à l’heure si possible.

Le récit de Jésus met en scène deux hommes situés aux deux extrémités de l’échelle sociale de son époque. Il y a un super-riche gavé de bonne nourriture qui porte des vêtements de luxe et à sa porte, un pauvre hère qui se meurt dans un état de délabrement total. Il n’est pas dit que le riche soit un mauvais homme, il ne maltraite pas le pauvre, il ne le chasse pas, mais il l’ignore carrément, aveugle à sa situation.

Est-ce que ça ne ressemble pas au contraste que nous constatons actuellement? Sur la planète une population à l’aise, avec des dépenses parfois luxueuses, et tout près, vus par l’intermédiaire des médias, des millions de gens qui meurent de la faim, du sida ou de la violence guerrière. Qu’on pense à Haïti qui en plus, a subi un tremblement de terre, qu’on pense au Pakistan avec plusieurs millions de personnes déplacées, d’autres pays où l’on s’entend pour parler de nouveaux génocides. On est devant un monde brisé en deux.

Alors que le riche de la parabole semble indifférent, insensible, imperméable à la misère de Lazare, parce qu’il ne la voit pas... nous on ne peut pas l’être, à moins de fermer les yeux. Il m’arrive des fois à la télé de changer de poste parce que ce que j’y vois est intolérable, v.g. la souffrance des petits enfants africains qui meurent de faim. On pourra dire que le monde est bien mal fait... la faute n’en revient pas au Seigneur. Ce monde a été créé avec des ressources considérables, suffisantes, pour que les humains y vivent en frères et soeurs , en se partageant les richesses et les biens naturels. Mais la tendance à accumuler, à garder égoïstement pour soi est inscrite dans la nature, à moins qu’on en prenne conscience et qu’on la corrige avec la grâce et la lumière de Dieu.

Cette parabole nous avertit des dangers de la richesse qui peuvent refermer une personne sur elle-même et la porter à détourner son regard des autres. Le riche de la parabole n’a plus le temps de se décentrer de son bien-être et de voir le pauvre à sa porte. Il ne lui fait pas de mal, il l’ignore. C’est l’abbé Pierre qui disait: “il serait bon qu’on ait une petite fenêtre cassée en hiver quelque part au sous-sol ou dans son garage, pour qu’on sente le froid qui fait grelotter le pauvre ou qu’on entende son appel à l’aide!” Un passage frappant de la parabole c’est l’abîme que le riche constate après sa mort entre lui et la patrie d’Abraham où le pauvre a été recueilli. On pourrait croire qu’il y a là un châtiment, la conséquence d’une punition de Dieu. En réalité le fossé entre le riche et le pauvre avait été creusé bien avant, sur la terre; dans l’au-delà il devient un abîme qu’on ne peut plus franchir. Jésus avait dit d’ailleurs: “Tout ce que vous n’avez pas fait au plus petit d’entre les miens, c’est à Moi que vous ne l’avez pas fait.” Le riche n’a pas été seulement dur de coeur, mais un peu myope et assez dur d’oreille.

On notera que Jésus nomme le pauvre homme du nom de Lazare, ce qui veut dire en hébreu “Dieu aide”.... Dieu relève le pauvre, il lui viendra en aide un jour. Il n’a aucun appui sur le présent, il est tout entier tourné vers Dieu et son Royaume de justice. Voilà la grâce qui l’habite. Si Dieu ne l’exauce pas tout de suite, c’est peut-être pour qu’il soit une question, un signal, une interrogation qui pourrait secouer le riche et peut-être le sauver. Il lui rend service en quelque sorte en lui permettant de sortir de sa torpeur et de partager un peu de ses biens. C’est en ce sens qu’on parle souvent dans les évangiles des situations inversées: Dieu élève les humbles et renvoie les riches les mains vides...

Le riche finalement plaide pour ses frères qui sont encore vivants; il demande à Abraham de leur envoyer une sorte de fantôme, une apparition spectaculaire qui pourrait leur faire peur! Celui-ci lui répond: ils ont Moïse et les prophètes... qu’ils les écoutent. Ils ont aussi des pauvres qui leur tendent la main. En somme, la foi est une décision personnelle qui ne peut être provoquée de façon magique ou par la peur.

On pourrait se dire face à ces propos: nous on n’est pas immensément riches, on n’a pas ces grandes fortunes. Ces richesses qui me ferment les yeux ce serait plutôt tout ce qui m’accapare et aveugle mon coeur, ce qui m’empêche de porter attention aux autres, de partager avec eux mon amitié, mon temps, mon écoute et même parfois mon pain. Félicitons-nous des gestes de partage que nous posons par ailleurs. Il y en a heureusement! Par exemple, notre projet Brompton-Haïti.

La conclusion de cette parabole est la même que celle de dimanche dernier. Jésus nous dit: au lieu de faire de l’argent le socle ou la base de son existence pour finalement être déçu, qu’on s’en serve donc comme un instrument de partage, de communion, qu’il devienne l’expression de notre souci des plus faibles. Mgr Blanchet, ancien évêque de Gaspé écrivait déjà: “.... les siècles futurs ne jugeront pas notre début du 21e siècle sur son matérialisme, sur sa permissivité sexuelle ou sur les difficultés du couple ou de la famille...mais sur le fait qu’à des milliers d’exemplaires Lazare est mort de faim à notre porte, tout près de nos tables bien garnies...” Les personnes qui ont eu déjà l’occasion de vivre quelques jours en Haïti... en retiennent une expérience qu’elles n’oublient pas; pour ma part je la souhaite à qui voudrait bien la tenter...

Demandons au Seigneur ce (matin) d’ouvrir nos yeux et nos oreilles afin de percevoir sur la planète ou plus près de nous la situation ou la voix de celui/celle qui vit dans la détresse. Ouvre mon coeur Seigneur!