vendredi 20 novembre 2009

Ma royauté n’est pas de ce monde

Dimanche du Christ-Roi 2009

Jésus est amené face au gouverneur qui va bientôt le condamner. Celui- ci se drape dans son autorité et entreprend avec lui un dialogue de façon hautaine, dans le style de ce dont on parle dans les palais. C’est pour le ridiculiser: “ On me dit que tu es Roi! Où est donc ton pouvoir?” Jésus, sans le nier, lui répondra: Ma royauté ne vient pas de ce monde”. Pour continuer la rigolade et au mépris de la population, on inscrira d’ailleurs sur sa croix: Celui-ci est le Roi des juifs (INRI).

Les mots qu’on entend dans l’évangile d’aujourd’hui ont peut-être de quoi nous choquer, nous qui vivons dans une société démocratique qui valorise l’égalité des personnes. Les mots de domination, de gloire, de royauté et de puissance sonnent mal à nos oreilles. On a vu comment on a reçu récemment le prince Charles en visite au Québec. La royauté est loin d’être populaire chez nous, comme partout. Les termes suivants ont une connotation négative: - le pouvoir, la loi du plus fort qui sert à écraser les autres, -la gloire, ça ressemble à de la vanité et de l’orgueil; tant de personnes sont prêtes à n’importe quoi pour obtenir un peu de célébrité,-la royauté, c’est passé date, car en son nom on a commis tellement d’abus, -la puissance, qu’elle soit économique ou militaire s’exerce à un prix élevé à payer. C’est en Afghanistan qu’on le voit aujourd’hui (on calcule que chaque soldat envoyé là-bas coûte un million$ par année)

Dans l’Évangile, quand on attribue à Dieu ou à Jésus ces qualificatifs, on ne comprend pas très bien. La perspective d’un Dieu qui s’impose par un grand déploiement de forces peut sans doute plaire à certaines personnes, mais généralement on se sent plutôt menacé, révolté par cette idée d’un Dieu qui pourrait nous écraser s’il le voulait. En fait, évoquer la puissance des grands nous fait réaliser la faiblesse qui est notre lot, nous les gens ordinaires. Devant la maladie d’une personne chère, les suites d’un accident, devant combien de situations de misère que les médias mettent sous nos yeux, qui n’a pas ressenti de la frustration de ne pas avoir le pouvoir de changer les choses? Quand nous affrontons nos limites physiques, économiques, psychologiques ou intellectuelles, qui de nous ne se sent pas limité. Les zones blessées de nous-mêmes, nous ne pouvons pas les faire disparaître à coup de volonté, à force de bras.

Face à cette situation, des gens cultivent de l’illusion, des rêves de changement magique. Attente de fameuses découvertes, de remèdes-miracle qui régleront tous les problèmes de santé. L’imagination entre en jeu pour acquérir du pouvoir. Les jeunes y sont vulnérables, appuyés sur les jeux vidéo, où on peut devenir pour un moment un super-héros, mourir et survivre! On se refuge dans le virtuel avec tous les dangers qui suivent. D’autres, pour lutter contre leur vulnérabilité vont chercher à exercer du contrôle sur les autres par de la menace, de l’intimidation, de la manipulation.

Pour recevoir les textes d’aujourd’hui comme une bonne nouvelle, il faut faire la vérité sur nous-mêmes. Reconnaître qu’on n’est pas Tarzan ni Superman. Réaliser que nous ne sommes pas auto-suffisants. Chacun, chacune d’entre nous a besoin des autres, mais tous ensemble nous avons besoin de Dieu. Nous avons besoin de sa force, non pas pour servir de compensation ou combler nos manques, mais pour nous ouvrir à une autre dimension, la puissance de son Esprit-Saint, qui veut agir dans notre faiblesse.

“Ma royauté n’est pas de ce monde” dit Jésus, c’est autre chose! Devant ses accusateurs il se tient sans défense, sans arme, sans armée. Il révèle toute la puissance de Dieu, une puissance qui refuse la violence, qui respecte la personne. Jésus manifeste que la mort et la violence n’auront pas le dernier mot sur l’amour de Dieu qui est plus fort. La puissance qui a créé le monde et qui le soutient dans l’existence, c’est une puissance de vie et de résurrection, une puissance de don et de pardon, une puissance de vérité, de libération, de miséricorde L’amour de Dieu c’est l’origine et l’aboutissement de tout ce qui existe. Rien ne pourra nous en séparer.
“Rien jamais ne nous séparera de l’amour!”

Si nous nous ouvrons à cette puissance amoureuse de notre Dieu, notre manière de vivre, notre manière d’être avec nous-mêmes, va changer. Ça se produit sans tambour ni trompette. C’est une conversion qui se fait lentement. L’Esprit de Dieu reçu à notre baptême, confirmé plus tard, nous habite de plus en plus et nous rend capables de tenir bon dans les turbulences du quotidien. Il nous marque de la sainteté de Dieu afin que nous formions son temple vivant. C’est un bonne nouvelle qu’il faut répéter pour s’en convaincre. Il y a là toute raison d’avoir le coeur à la fête d’ici Noël malgré tous les malheurs qui peuvent survenir.

jeudi 5 novembre 2009

Homelie des Défunts

Homelie Célébration pour nos défunts 1er novembre 09

Il y a des textes de la liturgie qu’on préférerait sans doute ne pas entendre. Par ex. quand s. Paul nous dit: “Jésus, bien que Fils de Dieu, pour remédier à la désobéissance des hommes, a appris l’obéissance par les souffrances de sa Passion et de sa mort”.On aime pas çà! C’est pourtant le coeur du mystère chrétien qui se dit là, dans ce qu’il comporte d’essentiel et en même temps de scandaleux et de surprenant.

En effet notre temps est marqué, plus que par le passe, celui de nos parents et grands parents, par le refus et la peur panique de la souffrance de tout genre, qu’elle soit physique ou psychique, affective ou morale et même spirituelle. On est angoissé devant la souffrance, on dépense une énergie incroyable, on fait des efforts considérables pour effacer la souffrance de notre quotidien, pour nous adoucir la vie le plus possible. Regardons la précipitation vers les centres de vaccination contre la grippe. On voit même des personnes qui vont se donner la mort pour arrêter de souffrir, sans penser qu’ils feront ainsi souffrir très durement tout leur entourage.
Pensons à la gamme des tranquillisants dont on est les grands consommateurs dans les pays riches, au Québec par ex., pensons à ces techniques mentales venues d’Orient qui visent à éteindre, à tuer le désir: si on cesse de désirer quoi que ce soit on ne souffre plus, on devient indifférent à tout. D’autres au contraire vont opter pour une vision optimiste de la vie en se disant que la souffrance est une illusion, qu’on n’a qu’à se durcir, à refuser de regarder les choses en face. On vit dans le meilleur des mondes. Il n’y a rien de chrétien là-dedans!

Si on revient à Jésus, c’est en évoquant son heure, ce moment où il va affronter la souffrance et la mort qu’il explique à ceux qui désirent dialoguer avec lui, ce que signifie ce qu’il appelle sa glorification. S’Il est descendu parmi nous c’est comme le grain de blé tombé en terre, c’est pour être ensuite élevé de terre afin d’attirer tout à Lui. Le grain de blé, tout le monde sait que placé dans la terre humide il se défait, il se désagrège, il meurt, mais une vie nouvelle apparaît en lui et il produit des centaines de grains dans l’épi qui sort de terre. C’est à travers ce retournement, cette étrange transformation, que Jésus essaye de faire comprendre à ses disciples ce qui va lui arriver. Sa mort conduit à la vie en abondance.

Ce passage par la souffrance et la mort, Jésus ne l’affronte pas comme une simple formalité, une obligation tracée d’avance. Il déclare même: “Maintenant je suis troublé!” “Ça me fait peur!” rien à voir avec ces héros qui défient la mort avec orgueil, ces pseudo-martyrs de la violence. Jésus n’a rien d’un kamikase qui se donne la mort pour prouver une cause, en vue d’une récompense imaginaire. Il y a des sages des religions orientales qui cherchent la mort le sourire aux lèvres en disant “y a rien là”. Jésus au contraire est angoissé. Par son attitude, il rejoint la part la plus profonde de nous-mêmes, la peur de la mort. Il a voulu être un être humain jusqu’au bout. En vérité, si on veut bien y réfléchir, au fond tout le monde a peur de la mort. A moins de s’engourdir dans la drogue ou de vivre dans le monde virtuel des jeux vidéo où la mort est irréelle.

Il ne faut pas oublier cependant que le christianisme n’est pas une religion où on exalte la souffrance, ou on aime l’exposer pour la regarder. Je pense à ces images ou ces crucifix d’autrefois où des âmes pieuses ajoutaient du sang autant qu’elles pouvaient. Bien au contraire, c’est parce que Dieu désire que nous soyons des êtres vivants, que la douleur et la mort ne trouvent aucune justification dans les Évangiles. Jésus dit: “Je suis venue pour qu’ils aient la vie, et la vie en abondance”. A ceux qui voudraient y voir la punition d’une faute, Jésus répond que les gens, victimes d’une tragédie n’étaient pas plus pécheurs que les autres. On se souvient de l’épisode où une tour en construction s’était effondrée entraînant la mort de beaucoup d’ouvriers: on lui avait demandé: Est-ce là une punition parce que ces gens étaient mauvais? Aujourd’hui on pourrait demander: est-ce que le Sida, la grippe H1N1 est une punition du bon Dieu. Jésus dit non. Il n’explique pas la souffrance comme tenterait un philosophe: il l’affronte courageusement car il croit que Dieu est le Dieu de la vie et que la mort n’aura pas le dernier mot.

Ce chemin, Jésus ne le présente pas comme un chemin de destruction, mais comme l’unique moyen de porter du fruit, un chemin de gloire. C’est toujours présent dans son enseignement, de différentes manières. Cette idée selon laquelle celui/celle qui accepte de se départir de sa vie, la gagnera. Les paraboles dont sont enjolivées les évangiles sont remplis de ces formules. Celui qui accepte de mourir vivra! Mais ce passage vers la vie véritable signifie quand même pour nous un déchirement, une brisure, une cassure qui engendrent un grand malaise, un sentiment de vide.
Jésus ne méprise pas notre peur, il ne la minimise pas. En acceptant de la traverser, c’est comme s’il nous prenait par la main, nous serrait dans ses bras pour nous faire passer des eaux sombres de la mort vers la lumière. Seuls, nous serions incapables de nous jeter à l’eau, de désirer accoster sur l’autre rive. C’est pourquoi il est passé le premier, pour que nous puissions le suivre, à notre tour, nous attirant tous vers Lui!

Nous sommes réunis dans cette église pour nous souvenir de nos défunts, principalement des personnes qui nous ont quittés au cours de la dernière année. Notre foi chrétienne nous assure qu’elles sont dans la vie et la paix de Dieu, et qu’elles ont franchi le passage que Jésus a ouvert pour nous.

Profitons de cette messe pour faire monter dans nos coeurs le visage de ces personnes et dire merci à Dieu de les accueillir près de Lui!